Obligation de reclassement et télétravail

La Cour de Cassation a sanctionné le manque de loyauté d’un service de médecine du travail pour reclasser une employée devenue inapte.

Sur les faits :

À compter du 25 novembre 1982, Madame L. a été engagée en qualité de secrétaire médicale par l’association GIMAC santé au travail. Deux examens médicaux pratiqués les 3 et 17 février 2016 devaient la déclarer inapte à son poste par le médecin du travail.

Le médecin du travail avait précisé dans son avis du 17 février 2016 que Madame L. pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (deux jours par semaine) en télétravail à son domicile, avec aménagement du poste approprié. Il confirmait cet avis le 7 juin 2016 en réponse aux questions de l’employeur. C’est dans ces conditions que par lettre du 7 décembre 2016, Madame L. a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Sur les principes en matière d’inaptitude et de reclassement :

Sur l’inaptitude : L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé (physique ou mental) du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe. L’origine de ces inaptitudes, partielles ou totales, peut être soit liée à la vie professionnelle du salarié, soit sans lien avec son travail (par exemple : maladie).

  • L’inaptitude médicale d’un salarié n’est dans tous les cas pas :
  • Un avis concernant ses compétences professionnelles ;
  • Un arrêt de travail (seul un médecin peut le prescrire) ;
  • Une invalidité (c’est le médecin conseil de la Caisse d’assurance maladie qui en décide).

Un avis d’inaptitude au poste occupé peut être envisagé par le médecin du travail à l’occasion de toutes les visites dont bénéficie le salarié, à savoir :

  • Lors d’une visite obligatoire de suivi ;
  • À l’occasion d’une visite de reprise du travail ou à tout moment si l’état de santé du salarié le justifie, par exemple lors d’une visite à la demande.

Tout salarié peut également, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi. Toujours est-il qu’avant de prendre cette décision, le médecin du travail doit réaliser au moins un examen médical du salarié concerné et procéder (ou faire procéder) à une étude de son poste de travail. C’est uniquement lorsqu’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible alors que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste que le médecin du travail peut le déclarer inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude oblige alors l’employeur à rechercher un reclassement pour le salarié.

Sur le reclassement : La recherche des possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait s’apprécie au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Autant dire, au cas par cas.

Il est toutefois à noter que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce. À ce titre, les possibilités de reclassement, au sein d’un groupe, du salarié déclaré inapte physiquement à son poste de travail s’apprécient, au plus tard, à la notification du licenciement (réception du courrier recommandé avec accusé de réception). Dès lors, si le licenciement du salarié lui est notifié à une date antérieure à la date d’intégration de l’entreprise dans un groupe, il ne peut être reproché à l’employeur qui procède au licenciement de ne pas avoir recherché l’existence de postes de reclassement au sein des entités de ce groupe.

L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. L’employeur peut également prendre en compte la position exprimée par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail, pour le périmètre des recherches de reclassement.

Quoiqu’il en soit, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié déclaré inapte, s’il est en mesure de justifier :

  • De son impossibilité à lui proposer un emploi compatible avec son état de santé et ce en application de l’article L 1226-10 du code du travail ;
  • Ou du refus par le salarié de l’emploi proposé ;
  • A moins que l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Sur la portée de l’arrêt de la Cour de Cassation :

La Cour de Cassation a introduit dans son arrêt du 9 mars 2023 un principe de loyauté de l’exécution de l’obligation de reclassement du salarié frappé d’inaptitude. Il se trouve en effet que l’association GIMAC santé au travail avait opposé principalement à l’impossibilité pour Madame L de travailler désormais en télétravail le fait que cela ne se pratiquait tout simplement pas en son sein.

Et vous n’aurez pas omis de constater que les initiales GIMAC sont suivies du titre « santé au travail » car elle a été créée initialement pour répondre à l’obligation du code du travail d’adhérer à un service interentreprises de santé au travail en l’absence de services propres à l’entreprise…