La santé et la sécurité sont deux priorités majeures de notre société et le monde de l’entreprise n’y échappe pas.
Les obligations du chef d’entreprise en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs sont ainsi devenues particulièrement lourdes et de nature à engager très largement sa responsabilité.
Le législateur fait ainsi jouer aux chefs d’entreprise un véritable rôle en matière de prévention, en les obligeant notamment à évaluer de façon constante les risques que les travailleurs peuvent rencontrer dans leurs entreprises.
Cette évaluation des risques doit être reportée dans un document unique réactualisé chaque année qui doit servir de base de réflexion aux actions de prévention des risques.
LE CADRE D’INTERVENTION DU DOCUMENT UNIQUE
Outre les dispositions réglementaires spécifiques, propres à certains domaines d’activité ou à l’utilisation de certains produits ou procédés particulièrement dangereux, le chef d’entreprise doit aujourd’hui veiller au respect d’obligations générales de sécurité qui peuvent, en cas de non respect, conduire à engager sa responsabilité tant civile que pénale.
C’est dans ce cadre qu’interviennent les dispositions légales relatives à la rédaction du document unique.
Les obligations du chef d’entreprise en matière de prévention des risques :
Les obligations du chef d’entreprise en matière de sécurité de protection de la santé des travailleurs ont été précisées par la loi du 31 décembre 1991, applicable depuis le 31 décembre 1992.
Cette loi a en effet introduit un nouvel article L 230-2-I dans le Code du Travail, en application des dispositions de la Directive communautaire n°89/391 du 12 juin 1989 et prévu deux exigences d’ordre général.
Une obligation générale d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs :
Cette obligation de sécurité a encore été renforcée par les arrêts « Amiante » qui incombent au chef d’entreprise, une obligation de résultat en cette matière.
Une obligation de procéder à l’évaluation des risques :
Cette obligation d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs a pour corrélatif une obligation de prévention des risques.
L’article L230-2-III du Code du Travail oblige ainsi les chefs d’entreprise à détecter les risques afin de les faire disparaître ou, à tout le moins, de les évaluer s’ils ne peuvent être totalement évités.
C’est dans ce cadre que le Décret du 5 novembre 2001 a introduit un nouvel article R 230-1 dans le Code du Travail qui oblige tous les employeurs, quels que soient l’effectif et l’activité de l’entreprise, à transcrire et mettre à jour, dans un document unique, les résultats de l’évaluation des risques professionnels identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement.
Cette obligation comporte donc en réalité deux obligations précises :
- la rédaction d’un document unique,
- la mise à jour de ce document, au moins une fois par an et dès qu’intervient :
- une décision importante d’aménagement des conditions de travail et/ou d’hygiène et de sécurité,
- une information nouvelle sur un facteur de risque.
Ce document unique, qui est un document de synthèse centralisant les informations recueillies en la matière, ne concerne que la santé et la sécurité des travailleurs et non la sécurité des produits, des procédés ou de l’environnement.
La circulaire du 18 avril 2002 (CIRC DRT n°6) apporte en outre des précisions pour l’application de ce décret qui seront détaillées ci-après.
Les sanctions :
L’importance de l’élaboration de ce document sera naturellement fonction des risques de mise en cause de la responsabilité du chef d’entreprise.
En effet en cas survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la responsabilité tant civile que pénale du chef d’entreprise pourra être d’autant plus facilement recherchée, voire aggravée, qu’aucun document unique n’aura été rédigé.
En outre, même en l’absence d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le Code du Travail prévoit des sanctions pénales spécifiques.
C’est ainsi que constitue une contravention de 5ème classe (1.500 Euros d’amende et 3.000 Euros, en cas de récidive dans le délai d’un an), le défaut de transcription ou de mise à jour du document unique.
La circulaire précise toutefois qu’il faut trouver un juste équilibre entre cette obligation et les délais qui sont nécessaires pour évaluer les risques.
Enfin, constitue également une infraction, l’absence de mise à disposition du document unique :
- aux instances représentatives du personnel : délit d’entrave (art L263-2-2 et L 482-1 du Code du Travail),
- à l’inspection du travail : contravention de 5ème classe et délit d’obstacle à contrôle en cas d’existence d’un élément intentionnel (art L 631-1 du Code du Travail).
LA MISE EN PLACE DU DOCUMENT UNIQUE :
Le législateur n’a pas limité le champs d’application de cette obligation aux activités dites dangereuses et aux grandes entreprises.
En effet, toute entreprise, quelle que soit son activité et le nombre de ses salariés, doit établir ce document unique et le réactualisé chaque année.
La Forme du document unique :
Aucune forme particulière n’est prévue légalement.
La réglementation n’a pas non plus prévu de modèle type.
Il peut s’agir d’un document écrit ou numérique, étant précisé que s’il comporte des informations nominatives, il devra cependant faire l’objet d’une déclaration à la CNIL (Cf. loi du 6 janvier 1978).
Si l’entreprise a plusieurs établissements, il pourra être établi un document unique par établissement et le « document unique d’entreprise » rassemblera les différents « documents uniques d’établissement » qui auront été rédigés.
Le contenu du document unique :
Aucune mention n’est obligatoire mais il ne doit pas s’agir d’un simple inventaire, le document doit en effet refléter la démarche d’analyse et de prévention des risques.
Le document doit ainsi comporter deux parties :
- un inventaire des dangers (détail des sources d’événement dommageable aux salariés),
- une évaluation des risques (étude des conditions d’exposition aux dangers).
La mise en place d’une politique de prévention n’est pas expressément prévue par la circulaire mais reste bien évidemment sous-entendue et indispensable.
L’inventaire des dangers et l’évaluation des risques :
Le document unique doit comporter l’inventaire des risques identifiés par unité de travail.
L’unité de travail n’étant pas définie légalement, le chef d’entreprise est totalement libre de les déterminer selon les critères de son choix (géographique, poste, autonomie …).
Il convient ensuite de rechercher de façon très pragmatique et exhaustive les situations de travail rencontrées dans les entreprises afin de déterminer toutes les sources de danger.
Identification des postes et situations de travail résultant des taches à accomplir :
On détermine ainsi par exemple :
- les types de poste de l’entreprise (ex : manutentionnaire, secrétaire …),
- les situations de travail rencontrées dans l’exercice des taches professionnelles (ex : travail en hauteur, travail sur écran …),
- avec le nombre de salariés concernés et le temps passé par poste ou situation (ex : 2 salariés travaillant en hauteur quotidiennement quatre heures par jour).
Description des situations de travail :
On peut ainsi déterminer notamment :
- les gestes et attitudes propres à l’exécution de chaque tache recensée,
- les évolutions dans l’espace de travail (ex : circulation dans des couloirs mal éclairés, escaliers glissants, passage par des échafaudages ..),
- les contraintes matérielles et ergonomiques (ex : exposition au froid ..),
- les contraintes professionnelles (ex : concentration de travail intense sur plusieurs mois puis période de faible activité ..),
- les contraintes psychologiques (encadrement fort …).
Les dangers potentiels :
Ils pourront éventuellement être identifiés en fonction de leur nature : dangers physiques (bruit, vibrations, rayonnement ionisants …), dangers chimiques (amiante, agents cancérogènes … ), dangers biologiques (bactéries, virus ..), danger d’incendie ou d’explosion, facteurs ergonomiques (manutention manuelle, état des sols …).
L’importance des risques :
Les risques sont à apprécier en fonction de leur probabilité, de leur gravité, du nombre de personnes exposées et de la durée et des circonstances de l’exposition au risque.
Ils peuvent être classés en fonction de leur importance selon un ordre décroissant qui déterminera ainsi les priorités à suivre en matière de prévention des risques.
Les actions de prévention
Elles ne sont pas prévues en tant que telles par la réglementation mais la circulaire de 2002 précise bien que la finalité de cette évaluation des risques est de susciter des actions de prévention.
En outre, l’existence d’action de prévention démontrera, en cas d’engagement de la responsabilité du chef d’entreprise pour accident du travail ou maladie professionnelle, qu’il a rempli ses obligations en matière de sécurité et rendra plus difficile l’engagement de sa responsabilité civile et pénale.
Il est bien évident que tous les risques ne peuvent être évités, il est cependant opportun de privilégier :
- la suppression si possible des situations dangereuses ou des phénomènes dangereux (ex : substitution par un autre produit non dangereux),
- adoption de moyens de protection si on ne peut supprimer la source de danger (dans ce cas il faut privilégier les moyens de protection collective sur les moyens de protection individuel),
- en tout état de cause, information et formation des salariés et éventuellement, mise en place d’une surveillance médicale adaptée.
Les rédacteurs du document unique
Seul le chef d’entreprise a la responsabilité de la rédaction et de la mise à jour du document unique.
Lui seul détermine donc la démarche à suivre pour évaluer les risques et transcrire les résultats dans le document.
Toutefois, il est vivement recommandé d’intégrer dans cette démarche d’évaluation des risques, les différents intervenants en matière de santé et sécurité, à savoir les instances représentatives, le CHSCT, le médecin du travail et éventuellement les services de prévention extérieurs (CRAM, MSA, OPPBTP, ANACT).
L’employeur pourra ainsi utiliser dans le cadre de cette recherche, les documents relatifs à la sécurité qui auront été élaborés par ces intervenants (ex : analyse des risques professionnels élaborée par le CHSCT, fiche d’entreprise élaborée par la médecine du travail).
La communication du document
Le document unique doit être mis à la disposition du CHSCT, des délégués du personnel et des personnes soumises à un risque en l’absence d’instance représentative du personnel, au médecin du travail et sur leur demande, aux agents de l’inspection du travail et des services de prévention (CRAM et OPPBTP).
NB :
Dans un cadre très général de protection en matière de sécurité et de santé, le document unique doit être mis en corrélation avec les autres documents que le chef d’entreprise peut être amené à rédiger en concertation avec d’autres chefs d’entreprise, en cas (i) d’intervention d’un salarié d’une entreprise extérieure (plan de prévention de l’article R 237-1 du CT) ou (ii) d’intervention des différentes entreprises sur un chantier extérieur (PCG et PPSPS).
Il existe également dans certains domaines d’activité très spécifiques des réglementations rigoureuses à respecter en matière de prévention (ex : risque d’exposition au bruit, exposition à des substances chimiques dangereuses …).
Des dispositions spécifiques sont également prévues dans la circulaire concernant les entreprises du BPT et l’OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics) a réalisé un outil informatique permettant aux PME de réaliser l’évaluation de leurs risques et l’élaboration de leur document unique.